Le 19 décembre 1985, une page singulière de l’histoire judiciaire française s’est écrite au palais de justice de Nantes. Ce matin-là, la France médiatique, politique et judiciaire bascule dans un scénario qui ressemble davantage à un polar qu’à une audience classique. En pleine audience criminelle, un homme se lève, exhibe une arme, et prend en otage juges, avocats, greffiers et journalistes. Cet homme, c’était Georges Courtois.
Un personnage hors normes : Georges Courtois
Georges Courtois, né en 1947 à Nantes, était un braqueur multirécidiviste, au passé carcéral déjà lourd. Le jour de l’audience, il comparaît pour vol à main armée, en compagnie de deux autres détenus : Patrick Théodore et Abdelkarim Khalki. Tous trois sont escortés par la gendarmerie. Mais Georges Courtois avait un plan.
Profitant d’une faille de sécurité, il sort une arme de poing dissimulée et déclare que le tribunal est désormais sous son contrôle. Le calme feint du preneur d’otages surprend : costume sombre, lunettes noires, verbe haut, presque théâtral. Il ne menace pas sans réfléchir. Il parle, argumente, impose des dialogues avec les médias et les autorités. C’est une scène d’une rare intensité.
Le déroulé de la prise d’otages
La scène se passe dans la salle d’audience de la cour d’assises. Il était environ 10 heures. La salle était pleine : magistrats, avocats, journalistes, public. Les trois hommes prennent alors une trentaine de personnes en otage. Courtois exige une tribune médiatique : il veut parler en direct à la radio et à la télévision.
Le preneur d’otages se définit comme un révolutionnaire. Il dénonce le système carcéral, le fonctionnement de la justice, la répression étatique. Il donne des interviews, improvise des discours, toujours sous le regard médusé des caméras de FR3. Cette mise en scène le distingue des actes de déséquilibrés : Courtois construit un message, une stratégie de communication. Et ça fonctionne.
Une affaire médiatisée en direct
Les journalistes présents dans la salle font des comptes rendus en temps réel. Le public est scotché à la télévision, les radios interrompent leurs programmes. Jamais auparavant une prise d’otages n’avait été aussi visible, presque « télévisuelle ».
On voit Georges Courtois s’exprimer calmement, parfois même avec humour. Il autorise même les otages à boire du café, à se détendre, et les traite avec un certain respect. Ce qui renforce l’étrangeté de la scène : un preneur d’otages qui discourt comme un avocat, dans un palais de justice, face à des juges.
L’image fait le tour du pays. Elle restera comme l’une des premières captations médiatiques d’une prise d’otages en direct dans un lieu judiciaire.
Les exigences et la sortie spectaculaire
Georges Courtois n’avait pas de revendications classiques : pas de demande d’argent ni d’avion. Son objectif semble davantage symbolique. Il veut marquer les esprits, critiquer le système judiciaire de l’intérieur. Il demande un entretien avec un ministre, la présence de journalistes et un véhicule.
Vers 15h, un fourgon est mis à leur disposition. Les trois hommes quittent le palais de justice, accompagnés de deux otages volontaires, dont un avocat. Les gendarmes les laissent partir. L’affaire prend une tournure invraisemblable : une évasion filmée, préparée sous l’œil des caméras.
Cette sortie médiatisée, dans une Citroën CX bleue, reste gravée dans les mémoires : Georges Courtois, bras levé, visage impassible, comme un héros tragique ou une figure de film noir.
Une cavale courte et un retour sous les verrous
La cavale ne dure pas longtemps. Les fugitifs sont interpellés sans violences. Courtois est renvoyé devant la justice pour sa prise d’otages. Lors de son procès, il assure lui-même sa défense. Il plaide non la folie, mais la conscience politique. Il ne nie rien, assume tout.
Sa peine s’alourdit logiquement, et son incarcération se prolonge jusqu’en 2000. Après sa libération, Georges Courtois s’éloigne des projecteurs, écrit, et reste un personnage clivant : pour certains, un criminel provocateur ; pour d’autres, une figure révoltée contre l’injustice.
Une affaire qui marque la mémoire judiciaire
Cette prise d’otages inédite au sein même de la justice française a plusieurs portées :
- Elle montre les failles de sécurité dans les tribunaux.
- Elle interroge sur la place des médias dans les affaires judiciaires.
- Elle pose la question de la mise en scène de la violence politique.
Le 19 décembre 1985 est resté gravé dans la mémoire collective comme le jour où la justice a été prise en otage, au sens propre comme au figuré. Le nom de Georges Courtois est, depuis, associé à cette image forte : celle d’un homme debout dans un tribunal, retournant la salle contre le système qu’elle représente.
Une histoire revisitée à travers les années
Les récits, documentaires, et témoignages sur cette affaire se sont multipliés avec le temps. Elle continue d’alimenter la réflexion sur la justice, la révolte, et la représentation publique des faits divers. Georges Courtois est décédé en mars 2019, le corps découvert dans l’incendie de sa maison.
Son nom reste lié à cet acte hors normes, à la frontière entre insoumission politique et théâtre judiciaire. Une affaire unique, qui continue de fasciner les passionnés d’histoire contemporaine et de justice.
Cette affaire révèle autant sur la justice que sur la puissance des images. Elle est une référence incontournable pour comprendre comment un homme a retourné le système contre lui-même, en plein cœur du lieu censé le juger.
