Des montagnes de pneus usagers, la planète en sueur
Quand on pense aux ateliers de réparation de vélos, on imagine la chaîne qui saute, la roue voilée et, sous l’établi, un tas de pneus et de chambres à air hors d’usage. Les gars de Happy cyclette, qui sillonnent la Bretagne depuis 2020 à bord de leurs camions, connaissent bien le refrain. Près de Rennes, leur activité est simple : ramener à la vie vélos fatigués et vélos cassés. Mais derrière chaque réparation s’accumulent des ribambelles de déchets en caoutchouc.
Jusqu’ici, on ne se cassait pas trop la tête : direction la déchetterie, et que ça brûle ! « Pas terrible pour la planète », comme le reconnaît Ronan Pressard, l’un des fondateurs de la joyeuse entreprise. Eh oui, incinérer du caoutchouc, ça lasse même les plus patients des Bretons quand on pense à l’avenir de nos forêts (et de nos poumons).
La trouvaille d’une seconde vie : du vélo à l’équitation
Mais voilà qu’Émile Bourdonnais, salarié chez Happy cyclette, a son moment d’illumination : dans les centres équestres, on remarque que l’on achète des billes de caoutchouc pour amortir le sol dans les manèges. Là, il se dit, « Pourquoi brûler nos pneus, alors que nos voisins cavaliers en achètent à prix d’or ? » Ni une ni deux, l’équipe entame une mission pour donner une seconde chance à tout ce caoutchouc.
Du côté de Rennes, deux écoles d’équitation encouragent même l’entreprise à foncer dans cette direction. Désormais, plutôt que de nourrir les cheminées, les chambres à air crevées peuvent finir sur la piste des chevaux. Un joli clin d’œil du destin, où le vélo quitte la route pour rebondir littéralement sous les sabots !
Des expériences dignes de MacGyver et un broyeur made in Morbihan
Forcément, il a fallu expérimenter et jouer les apprentis chimistes. Première étape, explique Ronan Pressard : « enlever le soufre ajouté lors de la fabrication, qui rend les pneus plus costauds ». Simple comme bonjour… ou presque !
Happy cyclette commence donc fort : on plonge les chambres à air dans la machine à laver (oui, oui !) avec de l’eau et du vinaigre blanc, et hop, les voilà ressorties toutes propres. Pour le broyage, l’équipe mise sur les solutions maison et l’entraide familiale : après un petit coup de fil aux parents agriculteurs dans le Morbihan, on leur emprunte le broyeur. Résultat : une tonne de caoutchouc réduite en miettes pour tester la formule.
Le test est concluant, alors on voit plus grand. L’entreprise investit carrément dans un gros broyeur flambant neuf, histoire de déchiqueter les montagnes de chambres à air qui s’accumulent (environ quatre tonnes par an !). En prime, la région Bretagne donne un coup de pouce financier, et même des étudiants ingénieurs de Rennes commencent à s’intéresser à l’aventure. De quoi gonfler les pneus… d’espoir !
Des billes bretonnes pour chevaux heureux (et planète moins malmenée)
Aujourd’hui, les billes obtenues vont réjouir plus d’un équidé dans les centres équestres voisins. Pas question pour autant pour Happy cyclette de se lancer dans une production industrielle : « Ce n’est pas notre cœur de métier », affirment-ils avec simplicité. On est réparateurs de vélos avant tout — mais s’il fallait montrer la voie et « semer la graine » auprès de confrères inspirés, l’équipe en serait fière.
- Moins de déchets brûlés, plus de sols amortis dans les manèges
- Un recyclage local et malin
- Une émulation bretonne entre cycle, cheval et bonne humeur
À ceux qui pensaient que la Bretagne n’était que crêpes et menhirs, voilà un exemple qui prouve qu’entre roue crevée et sabot ferré, il y a toujours une astuce pour rouler plus vert.
